L’une chante, l’autre pas d’Agnès Varda (1976) – Le personnage de Pomme

L'Une chante, l'autre pas - Agnès Varda

Rythmé comme un conte oriental dans lequel le destin (capricieux) des deux protagonistes déjoue sans cesse l’horizon d’attente du spectateur, L’une chante l’autre pas est non seulement un manifeste sur le droit à l’avortement mais également une belle ode à l’amitié.

Le lien très fort qui unit les deux personnages du film, Pauline/Pomme et Suzanne, est le moteur indéniable de leur émancipation. Au fil du temps et au gré des amours, des rencontres ou des coups durs, l’amitié inspire les choix, amortit les chocs, empêche de sombrer, éclaire le chemin.

Fait de départs, de haltes et de retours, L’une chante l’autre pas est à l’image de l’existence nomade du personnage de Pomme, incarnée par Valérie Mairesse. Lycéenne au début du film, Pomme possède d’emblée une force, une lucidité et une maturité politique telles que l’on ne peut qu’être intrigué par la suite de son parcours.

L'Une chante, l'autre pas - Agnès Varda

A sa manière personnage bigger than life, Pomme, avec sa gouaille, sa répartie cinglante et son refus du mélo brise allègrement les carcans et les conventions sociales mais aussi narratives. Elle est non seulement la voix de la lutte – celle qui chante – pour le droit à l’avortement et à la liberté de disposer de son corps mais aussi l’Amie avec un grand A. Généreuse et libre comme l’air, Pomme n’a peur de rien ni personne. C’est elle qui prend en charge le récit en tendant délibérément la main à Suzanne (Thérèse Liotard) prise au piège d’une situation impossible, transformant par ce geste leurs deux destins.

Aussi solaire que son alter ego est discret et mélancolique, Pomme, est le seul modèle dont Jérôme le photographe (Robert Dadiès) ne parvient pas à saisir l’âme : sans failles ni cassures, c’est un peu la femme « future » dans un avenir idéal et encore (et toujours) à construire, où la liberté intérieure totale, comme l’air que l’on respire ou la lumière, va de soi.