Dead Inside, Girls saison 3: la jeune fille et la mort

Girls-Hannah cover

Dead Inside est le quatrième épisode de la saison 3 de la série Girls créée par Lena Dunham.

Au début de la saison 3, Hannah Horvath semble avoir enfin trouvé un certain équilibre dans sa vie personnelle. Elle vit désormais avec Adam, suit son traitement pour ses troubles obsessionnels compulsifs et, dernier point et non des moindres, prépare la publication de son e-book avec son éditeur, le cynique et survolté David Pressler-Goings.

Sans rien perdre de l’esprit irrévérencieux et dérangeant des deux premières saisons, la saison 3 délaisse le champ chaotique de l’errance sentimentale et affective pour dépeindre une autre lutte, celle du jeune écrivain inconnu à l’orée de sa carrière. Ainsi, cette saison est traversée de bout en bout par les questionnements, les espoirs et les doutes qui accompagnent l’ambition littéraire d’Hannah Horvath: écrire ou travailler à temps plein chez GQ et gagner un bon salaire – et profiter des snacks gratuits, pouvoir s’acheter une belle robe etc. –, écrire ou gâcher son énergie et son talent et devenir dans un dix ans « cet ancien jeune écrivain très prometteur mais qui finalement n’a rien fait ».

"And no one even began to tell me what was next for my e-book."

« And no one even began to tell me what was next for my e-book. »

C’est lorsque l’éditeur meurt brusquement dans l’épisode 4 que l’on prend vraiment la mesure de l’ambition de Hannah. Le titre Dead Inside (morte à l’intérieur) renvoie autant à l’incapacité pathologique du personnage à l’empathie la plus élémentaire qu’à la déflagration intérieure devant l’arrêt brutal du projet de e-book. Pour Hannah, son éditeur n’avait de réalité et de chair que parce qu’il était justement son éditeur, rien d’autre (« I feel nothing »). La mort réelle, la perte qu’elle redoute le plus est celle, inacceptable, de son livre. Et c’est là que se donne à nouveau voir la faille d’un personnage que l’on croyait « guéri ». Indifférente à la mort de son éditeur, Hannah ne parvient pas à communiquer ses vrais sentiments à un entourage pourtant non exempt de folies et de bizarreries pas toujours reluisantes.

Ray : "Hannah, why don’t you place just one crumb of basic human compassion on this fat-free muffin of sociopathic detachment ?"

Ray : « Hannah, why don’t you place just one crumb of basic human compassion on this fat-free muffin of sociopathic detachment ? »

Co-écrit avec Judd Apatow, Dead Inside rappelle, en moins outré et en moins paranoïaque, certains épisodes de séries comiques grinçantes tels que Louie ou Curb your enthusiasm qui suivent les tribulations d’un personnage principal, quintessence de l’anti-héros (peu séduisant, bourré de défauts) aux prises avec un environnement moralisateur et  hostile jusqu’à l’absurde ou l’étrangeté.

Dead Inside montre ainsi les revers de l’impudeur candide du personnage principal de la série. Personnage souvent peu sympathique parce que sans fards, Hannah Horvath fascine parce malgré une apparente vulnérabilité (elle évolue en permanence en dehors des codes aussi bien physiques, moraux que sociaux), elle n’en est pas moins dotée d’une volonté redoutable et, l’air de rien, parvient souvent à ses fins. A mesure que l’épisode avance, le titre Dead Inside prend une nouvelle ampleur, presque monstrueuse. En effet, à force d’exposer au regard son intériorité, Hannah est littéralement vidée. Elle ne ressent rien parce qu’il n’y a pas d’intérieur pour ressentir, à part celui qu’elle n’a cessé d’extérioriser sans entraves ni limites devant la caméra.

o-ADAM-HANNAH-570

« I should tell you about Margaret. She was my cousin and she died ».

Le reste est fiction. A la fin de l’épisode, la fiction en effet se substitue à point nommé à ce qui n’existe pas, lorsque Hannah raconte à Adam un mensonge pour expliquer son indifférence apparente. Puisque la vérité blesse et menace son couple, elle fait ce qu’elle sait faire, raconter des histoires et se mettre en scène en utilisant les seuls codes qu’elle reconnaisse et accepte, ceux de l’écriture et la fiction. La dernière scène, scellant la réconciliation entre Hannah et Adam est une illustration assez jouissive de l’amoralité tranquille du personnage, entre mensonge, comédie, plaisir de la création et manipulation: Hannah raconte à Adam un très gros mensonge, mensonge qui lui avait été raconté auparavant par la sœur d’Adam mais arrangé à sa convenance; mensonge qui, dans sa forme originale, avait pour personnage principal Adam enfant traumatisé par la mort d’une cousine malade et dans la version d’Hannah, Hannah enfant, traumatisée par la mort d’une cousine malade. Et ainsi, tout rentre dans l’ordre.

 

Girls est une série de la chaîne HBO.